Votre pathologie
L’usure et la disparition des cartilages de la cheville sont un processus beaucoup plus rare comparé au genou et à la hanche. Elles peuvent être le résultat des pathologies suivantes :
- arthrose primaire (rare)
- maladie inflammatoire (polyarthrite rhumatoïde, arthrite psoriasique, arthrite hémophilique,…)
- post-fracture complexe de cheville ou fracture mal traitée
- post-instabilité chronique
- post-ostéonécrose du talus
- post-troubles de la statique secondaires à un équin fixé
- post-infection
Vos examens préopératoires
Le bilan doit comporter au minimum des radiographies de face et de profil en charge des deux chevilles. Ce bilan permet dans la plupart des cas de décider de l’option thérapeutique. Le scanner et l’arthroscanner sont demandés en seconde intention. Ils permettront de dépister les lésions associées, la qualité de l’os et la présence ou non de nécrose. A l’issue de ce premier bilan et si les critères cliniques et radiologiques de base orientent vers une indication d’arthroplastie (prothèse de cheville), un bilan complémentaire est indispensable et est requis pour introduire la demande de remboursement à l’INAMI. Il comportera :
- des clichés dynamiques ligamentaires
- des clichés en flexion et extension de cheville avec quantification.
- une mesure d’axe de l’arrière-pied
- une mesure de la statique de profil du pied
Nos critères d'intervention
L’arthrodèse reste le moyen le plus fiable d’obtenir une cheville indolore, stable et fonctionnelle. La marche après arthrodèse s’effectue sans boiterie et permet de mener une vie normale. Elle nécessite toutefois une rigueur de positionnement, ce qui conditionnera la fonction de la cheville arthrodésée. L’arthrodèse est plutôt indiquée chez les patients jeunes, lorsqu’il existe des troubles d’axe importants ou des laxités importantes, lorsqu’il existe des dysfonctions musculo-tendineuses, une nécrose du talus, des séquelles de fracture avec ou sans infection, un excès de poids important. Les prothèses de cheville sont, quant à elles, indiquées pour des patients plus âgés et pour des chevilles stables, axées, souples et chez des patients dont la qualité osseuse est favorable. Elles seront parfois associées ou précédées d’une correction d'axes ou d’arthrodèses. Leur mise en place est soumise à une autorisation du Médecin Conseil de l’INAMI. La durée de vie de ces dernières est nettement en dessous de celle retrouvée pour l’arthroplastie du genou et de la hanche, ce qui en fait à ce jour une indication qui doit être parfaitement réfléchie et exécutée. La marche après arthrodèse s’effectue sans boiterie et permet de mener une vie normale :
Alternatives thérapeutiques
La chirurgie est indiquée après un traitement médical bien conduit et en échec. La prise en charge médicale doit comporter :
- un traitement antalgique et anti-inflammatoire
- la perte de poids
- l’adaptation de l’activité sportive et/ou professionnelle
- une éventuelle orthèse plantaire de correction des axes
- des infiltrations de dérivé cortisoné et/ou d’acide hyaluronique
- l’utilisation de chaussures avec barre de déroulement (Strechwalker) ou avec tige
- chaussures orthopédiques sur mesures
Techniques chirurgicales
Les arthrodèses Ces interventions sont réalisées sous anesthésie locorégionale avec maintien d’un bloc antalgique qui couvrira la douleur pour les 24 heures postopératoires. Cette intervention peut être réalisée sous arthroscopie lorsque la cheville est centrée et que la fixation peut être réalisée in situ. L’avantage est la limitation des complications avec un taux de fusion de 65 à 100%. Pour ce faire, le nettoyage des surfaces articulaires est réalisé par deux incisions antérieures en utilisant une fraise et des ciseaux. La fixation est obtenue par deux ou trois vis placées en percutané. Souvent, l’arthrodèse est réalisée par un abord antérieur et par le biais de deux coupes osseuses parallèles de façon à obtenir deux surfaces parfaitement planes en os vascularisé. La fixation est obtenue par deux ou trois vis en compression.
La position de l’arthrodèse doit être à l’angle droit avec 4 à 7° de valgus talonnier et une rotation externe symétrique au côté controlatéral. Des greffes osseuses prélevées au départ de la crête iliaque peuvent être nécessaires pour combler des défects osseux et augmenter le taux de consolidation. A l’issue de ces deux techniques, une botte plâtrée temporaire changée à 15 jours sera laissée en place en moyenne 3 mois. Le bilan de consolidation sera réalisé par scanner au travers du plâtre, le premier étant réalisé aux alentours de la 8ème semaine. Aucun appui ne sera autorisé durant cette période. C’est la confirmation au scanner de la fusion qui permettra de débuter un appui partiel et de commencer la rééducation. Une couverture par héparine de bas poids moléculaire devra être maintenue pendant toute la durée du plâtre accompagnée d’un contrôle des plaquettes réalisé 2 fois/semaine.
Les prothèses de chevilles Le but recherché dans la mise en place d’une prothèse de cheville est l’obtention d’une indolence tout en rétablissant un secteur de mobilité garant d’une meilleure biomécanique de l’ensemble du membre inférieur. Cependant, la difficulté dans cette prothèse est la présence de surface articulaire bien moins importante en surface qu’au niveau de la hanche et du genou. Les contraintes y sont pourtant aussi élevées et l’accessibilité y est moindre. Cette pression importante par unité de surface explique l’usure plus rapide de cette prothèse par rapport au genou et à la hanche. L’intervention réalisée sous anesthésie locorégionale avec maintien d’un bloc antalgique couvrira les douleurs pour les 24 heures postopératoires. L’intervention est réalisée sous garrot par voie d’abord antérieure et prend environ une heure et demie. Les prothèses de cheville comportent un implant partiellement sphérique sur le talus, un 2ème implant fixé sur une coupe plane au tibia ainsi qu’une pièce intermédiaire en polyéthylène qui peut, en fonction du modèle de prothèse, être fixée à la pièce tibiale ou mobile entre les deux pièces.
L’abord chirurgical est antérieur et réalisé sous garrot. Après nettoyage des ostéophytes, une résection d’une tranche osseuse du tibia est réalisée en respectant scrupuleusement tous les axes. Après évaluation de l’équilibre ligamentaire, on façonne le talus en différentes facettes qui permettront de stabiliser la pièce talienne. On détermine ensuite l’épaisseur du polyéthylène nécessaire à obtenir un mouvement optimal tout en respectant l’équilibre ligamentaire. Après vérification et contrôle, les implants définitifs sont placés et impactés. Ils ne sont pas cimentés et sont fixés par cicatrisation osseuse dans les semaines qui suivent l’intervention. Différents gestes complémentaires peuvent être conjointement réalisés comme une ostéotomie du calcanéum, des allongements de malléole ou des réfections ligamentaires. La fermeture est obtenue à l’aide d’agrafes et un drain est régulièrement utilisé pour limiter le risque d’hématome. Une attelle plâtrée postérieure sera placée pour une durée de 15 jours puis remplacée par un plâtre de marche pour une durée totale de 6 semaines. Une couverture par héparine de bas poids moléculaire devra être maintenue pendant toute la durée du plâtre et suivie par un contrôle des plaquettes réalisé 2 fois par semaine
Hospitalisation
Que ce soit pour une arthrodèse ou une prothèse de cheville, l’hospitalisation est de 24 à 48 heures pour permettre la gestion optimale de la douleur et le drainage des sites opératoires.
Protocole de rééducation
En cas d'arthrodèse : Il comportera une remise en appui progressif, une récupération d’amplitude des articulations non bloquées, un réveil musculaire et une tonification musculaire des stabilisateurs du pied et de la cheville ainsi qu’une prise en charge proprioceptive et un contrôle du schéma de la marche. 60 séances sont autorisées pour ce type de chirurgie. En cas de prothèse de cheville : Il comportera une remise en appui progressif en fonction de la douleur, une récupération d’amplitude des articulations de l’ensemble du pied ainsi que de la cheville en insistant sur la flexion dorsale primordiale à la mécanique du pied. On y associera une tonification des stabilisateurs du pied et de la cheville ainsi qu’une prise en charge proprioceptive et un contrôle du schéma de la marche. 60 séances sont autorisées pour ce type de chirurgie (2 prescriptions de 30).
Autonomie postopératoire
En cas d'arthrodèse : Pendant toute la durée d’immobilisation plâtrée, l’appui est interdit de même que la conduite de véhicule. Les déplacements sont autorisés et doivent rester limités pendant le début du traitement environ ¼ d’heure par heure. Il vous est demandé de drainer le membre inférieur en position surélevée le reste du temps. La marche s’effectuera avec deux cannes béquilles ou un cadre de marche. En cas de prothèse de cheville : Pendant les 15 premiers jours postopératoires, il vous sera demandé de respecter scrupuleusement les consignes de drainage afin d’éviter les complications de cicatrice aux conséquences redoutables dans cette chirurgie. Dès le 15ème jour et avec votre plâtre de marche, il vous sera possible de vous déplacer en appui sous couvert de deux cannes béquilles et ce, en alternance avec des périodes de repos qui doivent encore être fréquentes. 60 séances sont autorisées pour ce type de chirurgie (2 prescriptions de 30).
Incapacité de travail
En cas d'arthrodèse : Elle est au minimum de 3 à 4 mois et peut être prolongée en fonction de l’évolution. En cas de prothèse de cheville : Elle est au minimum de 3 à 4 mois mais varie en fonction du type d’activité professionnelle.
Complications éventuelles
En cas d'arthrodèse :La complication principale est la non fusion de l’arthrodèse, celle-ci peut être influencée négativement par la consommation d’alcool et de tabac, par le non-respect des consignes postopératoires, par une ostéoporose sévère et par le diabète. Elle nécessite souvent une réintervention chirurgicale. L’intervention est également liée à un risque
- d’infection
- de phlébite
- d’algodystrophie
- de lésion des rameaux sensitifs et de douleurs neuropathiques
- de problème de positionnement de l’arthrodèse, d’arthrose secondaire sur les articulations voisines.
- de pied de Charcot chez les patients diabétiques
Cette liste n’est pas exhaustive.
En cas de prothèse de cheville :On y retrouvera des complications aspécifiques communes à toute intervention de cheville à savoir :
- l’infection
- les phénomènes thromboemboliques
- les nécroses cutanées
- l’algodystrophie (cf détails dans le paragraphe ci-dessous)
- les lésions artérielles ou nerveuses. Certaines sont plus spécifiques de la prothèse de cheville et sont soit précoces.
- les fractures de malléole
- les lésions tendineuses et neurovasculaires
- la malposition des implants, situation qui reste toujours possible à tous les niveaux et malgré les ancillaires actuellement très développés.
- les troubles de cicatrisation cutanée, complication redoutable
- les complications tardives
- le descellement prothétique qui correspond à un détachement des implants des structures osseuses et qui nécessite souvent une reprise chirurgicale.
L’analyse de la littérature montre un taux de complications comparable entre la réalisation d’une prothèse totale de cheville et la réalisation d’une arthrodèse. Les deux procédures restent donc quoi qu’il en soit un challenge chirurgical important.
L’algodystrophie, une complication éventuelle redoutée : En chirurgie du pied, comme dans d’autres localisations opératoires, une des complications redoutée est l’algodystrophie, appelée aussi syndrome douloureux régional complexe (SDRC). Le SDRC est le résultat d’une réaction réflexe sensorielle excessive prenant son origine dans la région opérée. Cette réaction se déclenche souvent en lien avec les remaniements neurologiques engendrés par la chirurgie. Elle se manifeste par une sensation douloureuse démesurée, élargie par rapport au site opéré, et associée à une réaction physique locale ressemblant à de l’inflammation, cette réaction douloureuse stagne parfois durant de nombreuses semaines et nécessite une diagnostic et un traitement aussi précoce que possible. L’objectif thérapeutique est d’enrayer sans tarder le cercle vicieux que la douleur entraîne. Les symptômes sont la douleur (spontanée et/ou au mouvement), le gonflement local ou régional (il peut fluctuer d’un instant à l’autre), les changements locaux de coloration (peau rouge, violacée ou marbrée), la zone douloureuse est parfois plus chaude ou plus froide alternativement. Le contact est parfois hypersensible (effleurement douloureux, douleur intense au contact d’une source froide), des sensations “électriques” sont parfois perçues localement de façon paroxystique, brutale et sans cause particulière. Ces dernières sensations sont le témoin de la présence d’une douleur de nature neurologique (Douleur neuropathique) Le SDRC demande une prise en charge thérapeutique spécifique, cette dernière est variable et adaptée au cas par cas en fonction de la gravité. Le traitement efficace de la douleur est essentiel et prioritaire afin d’espérer une évolution favorable. Le risque du SDRC est d’évoluer vers un enraidissement de plus en plus fixé de la mobilité articulaire avec au final des difficultés de marche.
Calendrier
En cas d'arthrodèse : Assurez-vous qu’un rendez-vous postopératoire vous a été donné à 15 jours de l’intervention. Durant cette consultation, la vérification de la cicatrice, l’ablation des fils et le changement du mode d’immobilisation vous seront proposés. Un 2ème rendez-vous à 7 à 8 semaines est nécessaire pour réaliser votre scanner sous plâtre. Celui-ci est indispensable à l’évaluation de la consolidation (le rendez-vous est à organiser par vos soins). L’analyse des résultats de ce scanner sera faite lors de votre consultation qui aura lieu dans les jours qui suivent ça réalisation. Si la consolidation est jugée suffisante, vous serez déplâtré et recevrez les consignes de rééducation. Dans le cas contraire, ce qui est fréquent, l’immobilisation sans appui sera prolongée et un nouveau scanner sera programmé. Un rendez-vous ultérieur est souvent nécessaire pour évaluer le résultat. En cas de prothèse de cheville : Assurez-vous qu’un rendez-vous postopératoire vous a été donné à 15 jours de l’intervention. Durant cette consultation, la vérification de la cicatrice, l’ablation des fils et le changement d’immobilisation vous seront proposés. Un plâtre de marche sera placé. Un second rendez-vous à 6 semaines est nécessaire pour ôter le plâtre et pouvoir débuter la rééducation en appui progressif. Une ou deux consultations ultérieures seront nécessaires pour évaluer le résultat ainsi qu’un suivi annuel qui permettra de contrôler la fonction et les radiographies.