Orteil et griffe / orteils en marteau

Votre pathologie

La pathologie des orteils latéraux est dominée par la déformation en griffe, source de conflit douloureux avec cors dorsaux ou plantaires. On ne parle habituellement de griffe des orteils que lorsque cette position est permanente et s’accompagne d’un conflit. Il s’agit d’une déformation banale responsable d’une gêne fonctionnelle souvent importante. Elle nécessite une étude attentive du siège de la déformation, de son caractère réductible, de la morphologie et de la pathologie du pied qui l’a engendrée.

On retrouvera différentes formes cliniques :

  1. La griffe proximale qui est la déformation la plus commune caractérisée par une flexion de la métatarso-phalangienne et une flexion de l’interphalangienne proximale responsable d’un conflit à la face dorsale de cette articulation.
  2. La griffe distale et la flexion de l’articulation interphalangienne distale souvent responsables d’un cor douloureux sur la pulpe de l’orteil.
  3. La griffe totale qui est l’association d’une flexion de l’interphalangienne proximale et distale responsable de trois zones de conflit.
  4. La griffe totale inversée qui est une flexion de l’interphalangienne proximale et d’une extension de l’interphalangienne distale responsable d’une zone de conflit dorsal et plantaire.

Il est important de distinguer le stade d'évolution de cette griffe et de déterminer si elle est réductible ; fixée ou associée à une luxation de la métatarso-phalangienne. Cette dernière s’inscrit généralement dans le cadre d’un pied complexe associant hallux valgus, des douleurs plantaires sous les têtes métatarsiennes et des déformation en griffe des 2ème voire 3ème orteils. Il est important de rechercher l’étiologie de chaque griffe rencontrée afin d’y apporter la solution la plus appropriée. Les griffes sont avant tout le fait d’un déséquilibre musculaire du pied avec globalement, une insuffisance des interosseux (petits muscles du pied) au profit des fléchisseurs. On retrouve toutefois d’autres origines à savoir :

  • Les dysharmonies de longueur des orteils rencontrés dans les pieds grecs voire hypergrecs avec un 2ème orteil long qui vient en conflit dans le fond de la chaussure et amène l’orteil à se déformer en griffe.
  • Dans les troubles statiques de l’avant-pied associant hallux valgus et griffe du 2ème orteil, le problème est essentiellement lié à une surcharge des ligaments plantaires du 2ème orteil et leur affaiblissement voire leur lâchage. L’orteil est dès lors déstabilisé vers le dos du pied et se positionne en griffe. Cette forme est très fréquente et responsable des orteils qui se chevauchent.
  • Dans les pieds creux, on retrouve des orteils en griffe touchant l’ensemble de ceux-ci mais ils restent réductibles pendant de nombreuses années.
  • Dans certaines situations plus rares, comme dans les séquelles de fracture de jambe (par syndrome de loge), dans les maladies neurologiques (hémiplégie, maladie de Charcot), les maladies inflammatoires.


Vos examens préopératoires

C’est avant tout l’examen clinique qui fera la part des choses dans l’origine et l’approche thérapeutique de votre déformation. Elle comportera l’analyse des chaussures, de la marche et des empreintes. Le caractère réductible et la stabilité des plaques plantaires devront être évalués. Il faudra prendre garde au problème d’acceptation esthétique de certains orteils en griffe non responsables de douleurs ou de difficultés de chaussage. Une radiographie des pieds face-profil en charge permettra d’établir l’origine ou l’environnement dans lequel s’inscrit cette griffe d’orteil.



Nos critères d'intervention

En l’absence d’une amélioration significative apportée par une adaptation du chaussage, l’utilisation de protections en silicone du commerce ou manufacturées et, en l'absence d’une demande esthétique, on pourra poser une indication chirurgicale de correction de ces griffes d’orteil. Il faudra souvent expliquer au patient que même si la plainte est focalisée sur un orteil, l’ensemble du pied doit être pris en compte et qu’une correction isolée de la griffe risque d'être un échec si une prise en charge plus globale n’est pas proposée.



Alternatives thérapeutiques

Il sera toujours tenté, avant la chirurgie, d’améliorer le confort au chaussage par l’utilisation de protections en silicone sous forme de tubes à la découpe ou prédécoupés voire de protections en silicone manufacturées sur le pied du patient. La semelle orthopédique comportant un appui rétrocapital améliorera spontanément la position des orteils pour autant que les griffes ne soient pas fixées. Il sera également important d’adapter le type de chaussures utilisé à la déformation avant de prendre une décision chirurgicale. Nous avons coutume d’expliquer au patient que la correction d’une griffe se fait toujours au sacrifice d’une articulation et dès lors de la qualité d’appui, de l’équilibre et de la propulsion. Il faut souvent freiner la volonté du patient de corriger plusieurs griffes sur le même pied et ce, à un âge où la demande fonctionnelle reste importante.



Synthèse du bilan préopératoire

Vous présentez une ou plusieurs griffes d’orteil responsables d’un conflit et d’une douleur au chaussage malgré une bonne adaptation des chaussures et l’utilisation de petits moyens de protection des orteils. Le bilan clinique aura permis de déterminer l’origine de la griffe et le contexte dans lequel elle s’inscrit et dès lors la solution idéale à proposer. La radiographie précisera la position et la qualité des structures osseuses. Votre chirurgien pourra décider d’une approche chirurgicale et vous précisera les suites et les résultats à en attendre.

Techniques chirurgicales

Les principes et approches du traitement chirurgical de ces orteils en griffe sont nombreux. Ils peuvent comporter :

  • une action sur les structures osseuses au niveau intra ou extra-articulaire par effet de raccourcissement et de résection articulaire.
  • par effet de fusion ou arthrodèse. Ce qui donne un effet de raccourcissement mais potentialise l’effet des muscles intrinsèques et permet de garder une meilleure fonction à l’appui.
  • un geste sur les tendons est parfois proposé. Il s'agit d'un transfert de tendons ou d'une ténotomie d’allongement en fonction de la déformation.
  • une action sur l’appareil capsulo-ligamentaire avec des arthrolyses, souvent réalisées en percutané au niveau de la métatarso-phalangienne ou des interphalangiennes.

L’association de ces différentes techniques est souvent la réalité de la pratique.

Arthroplastie d’orteil

Le principe est de réséquer l’extrémité de la première phalange par un abord dorsal transtendineux. La résection sera obtenue au moteur ou à la pince. La stabilisation de l’orteil peut nécessiter la mise en place d’une broche temporaire qui servira de tuteur pendant les 6 premières semaines. La fermeture est obtenue par des points de fil résorbable qui rapprocheront le tendon extenseur (ténodermodèse) pour obtenir plus de stabilité. Lorsqu’il n’est pas nécessaire de placer une broche, l’orteil sera stabilisé par le pansement puis par une syndactylie (lier deux orteils voisins) renouvelée quotidiennement jusqu’à la 6ème semaine. La broche, quant à elle, sera désinfectée quotidiennement. Le maximum de précautions sera pris pour ne pas l’enfoncer ou la faire sortir. Une broche sortie est une broche qui doit être ôtée. Il ne faut jamais tenter de la repousser.

Résection arthroplastique de l’interphalangienne distale

Dans ce cas, la voie d’abord sera latérale pour ne pas interrompre l’appareil extenseur. La tête de la 2ème phalange sera réséquée et l’articulation stabilisée par une broche temporaire. La peau sera suturée au fil résorbable et l’orteil sera lié avec l’orteil voisin pour garantir son positionnement.

Les arthrodèses de l’interphalangienne proximale

Elles comporteront un abord dorsal identique à l’arthroplastie mais ici, le but est d’obtenir une fusion osseuse entre la 1ère et la 2ème phalange pour une stabilisation définitive. On utilisera une technique de Bilboquet stabilisée par une broche ou, plus volontier, par le biais d’un implant en titane très récemment remboursé par la mutuelle (smart toe).

Toutes ces broches sont ôtées en consultation à 6 semaines et sans douleur.

Les transferts tendineux

Il s'agit du transfert du fléchisseur d'un orteil sur le dos de la 1ère phalange pour obtenir un effet abaissant. Cette technique est possible si la griffe est souple.



Hospitalisation

L’immense majorité des orteils en griffe sont traités en ambulatoire sous anesthésie locale pure ou anesthésie rachidienne. Lorsque les griffes sont associées à d’autres déformations et notamment à un hallux valgus, il est parfois nécessaire de séjourner 24 heures dans le service d’hospitalisation afin d’optimaliser la gestion des douleurs.



Protocole de rééducation

Lorsque le traitement de la griffe est isolé, l’appui est autorisé et non protégé. La présence d’une broche nécessite une adaptation du chaussage afin de ne pas l’enfoncer ou la retirer. Des mouvements de rééducation en flexion plantaire des orteils sont indispensables afin de retrouver au plus vite leurs fonctions.
La présence d’une broche n’empêche pas la mobilisation de la métatarso-phalangienne par le patient ou par le kinésithérapeute.
Il faudra parfois profiter d’une syndactylie (lier deux orteils) pour mobiliser les deux orteils conjointement en réalisant des postures de flexion plantaire. Le travail actif par votre propre musculature se fait en alternance avec les postures.



Autonomie postopératoire

L’appui étant en général autorisé. La marche et la conduite de véhicule sont possibles dès le premier jour. Il faudra toutefois alterner avec des périodes où la position du pied sera surélevée afin d’éviter le gonflement des orteils, ce qui est assez habituel. Lorsque cette chirurgie s’accompagne d’une correction d’hallux valgus ou d’ostéotomie des métatarsiens, le port de la botte de décharge pour chaque déplacement est requis pendant 6 semaines.



Incapacité de travail

L’incapacité de travail est variable et peut aller de 15 jours à 6 semaines en fonction de la présence ou non d’une broche et du type d’activité professionnelle s’effectuant parfois dans des milieux souillés et contaminants. Il vous est conseillé d’en discuter avec votre chirurgien avant la réalisation du geste opératoire.



Complications éventuelles

On retrouve les complications classiques de la chirurgie à savoir :

  • l’infection
  • la désunion de cicatrices
  • malpositionnement final de l'orteil
  • le retard ou l’absence de consolidation pour les arthrodèses
  • persistance d'un aspect infiltré de l'orteil opéré

Ces complications seront largement majorées par la consommation de tabac et par le diabète déséquilibré.

  • la migration des broches. Une broche légèrement enfoncée mais bien tolérée ne doit pas faire l’objet d’une ablation précoce. Par contre, une broche ayant migré vers l’extérieur ne doit pas être repoussée et doit faire l’objet d’une ablation précoce.
  • la récidive ou la malposition de l’orteil. Il s’agit d’une complication possible et qui peut faire l’objet d’une reprise chirurgicale.
  • le gonflement (aspect boudiné de l’orteil) peut persister assez classiquement pendant 6 à 8 semaines en postopératoire. Il peut être limité et réduit par les périodes de repos, la surélévation du pied et par la mise en place de systèmes compressifs correspondant souvent à des cylindres en silicone.
  • la douleur sur l’orteil opéré, complication plus fréquente dans les arthroplasties comparativement aux arthrodèses.
  • Fracture du matériel et fausses routes des implants pour les arthrodèses (voir photo)

Cette liste n’est pas exhaustive et nous vous invitons à en discuter avec votre chirurgien.



Calendrier

Vos rendez-vous post-opératoires sont fixés au moment de la programmation de la date d'intervention.

Responsable éditoriale et rédaction des textes et des vidéos de cette rubrique

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